vanitas, vanitas…
0Le 1 octobre 2010 par Jean-François Dortier
En arrivant à SH, j’ai trouvé sur mon bureau deux exemplaires de mon Dictionnaire des sciences humaines, traduit en portugais-brésilien. J’ai appris à l’occasion que la langue parlée au Portugal divergeait suffisamment de celle du Brésil pour justifier deux traductions différentes (puisqu’il existe déjà une traduction portugaise).
Evidemment, je suis très fier de ce beau livre et, arrivé à la maison, je l’ai posé bien en évidence sur la table de la salle à manger, pour que Mc le voit en arrivant. Ce qui n’a pas manqué …
Je vais d’ailleurs le laisser trainer là quelques jours bien en vue, pour épater la galerie. Puis je le rangerais dans ma bibliothèque, à côté des autres traductions de mes « œuvres ». Quand je range mes « trophées », je pense à mon père et ma mère (« Ah comme ils seraient fiers… s’ils étaient encore en vie. Petit pincement au cœur : Papa, maman, où êtes-vous ? Vous me voyez de là-haut ?). Retour sur terre : cette petite minute d’auto-glorification personnelle est évidemment dérisoire, au vue de la multitudes des livres qui paraissent chaque jour dans le monde, dérisoire au regard du micro-club de mes fans; et encore plus dérisoire au regard du fait que ma gloire personnelle est surtout une affaire privée, qui se déroule dans mon cinéma intérieur. Mais la science, la philosophie ou la littérature feraient du sur-place depuis l’Antiquité sans ces illusions narcissiques. Car la soif de gloire des auteurs est universellement partagée (« j’écris une œuvre ! je compte au royaume des idées ! »). Et leur petit film intérieur est un puissant moteur de l’essor des idées : un ferment, un agitateur d’idées.
Dans l’appartement d’Edgar Morin, ses traductions étrangères figurent en bonne place, juste en face de son bureau : là, s’étalent les livres en italien, espagnol, grec, japonais, etc… Et en levant les yeux de son bureau, il voit son œuvre traduite dans le monde entier.
« Ça, JF, c’est moi dans toutes les langues du monde », m’avait-il dit avec un éclair de lumière dans les yeux, un jour que je furetais dans sa bibliothèque (pour voir ses lectures).
L’une des déceptions d’Edgar est de n’avoir jamais été traduit en anglais. La faute à Bourdieu, m’a-t-il confié un jour. Aux éditions du Seuil, c’est Bourdieu qui décidait qui devait ou non être traduit en anglais. Il aurait mis au ban son ennemi personnel : « il y a 50 autres auteurs à traduire avant Morin ! ». Et du coup, le traduction à été bloquée.
Tiens au fait, où en est l’éventualité de la traduction de mes Humains mode l’emploi aux pays des hamburgers et de Hollywood ? Nancy Ellis, l’agent littéraire californienne qui s’était déclarée intéressée (suite à l’intervention de mon ami Howard Bloom) n’a pas répondu à mon dernier message. Mauvais présage. Je vais quand même lui envoyer une petit « Did you forgot me, Nancy ? ».
Conquérir l’Amérique : Tous les auteurs français rêvent de cela.
Vanitas Vanitas…
Catégorie Bazar
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