Les civilisations meurent, la civilisation reste (parfois)

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Le 17 mars 2017 par Jean-François Dortier

Dans le dernier numéro de Sciences Humaines, je signe un article Vie et mort des civilisations, précédé d’un éditorial que voici.

« Nous autres civilisations, nous savons que nous sommes mortelles », proclamait Paul Valéry en 1919, au lendemain de la Grande Guerre. Les empires européens s’étaient affrontés au point de presque se détruire. Cette histoire ne faisait que confirmer un constat désabusé : l’Occident allait connaître le même destin tragique que les grandioses civilisations qui l’avaient précédé. Rome, Babylone, Égypte, Grecs, Crétois, Hittites, Perses, continuer la lecture


Michel Onfray, philosophe décadent

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Le 19 février 2017 par Jean-François Dortier

Dans Décadence, Michel Onfray annonce la fin de la civilisation chrétienne qui a régné pendant 2000 ans sur l’Occident et connaîtrait aujourd’hui ses derniers feux.

C’est grandiose, c’est tragique, c’est implacable… Sauf que c’est tout faux.

Et voici pourquoi

Décadence, prétend raconter l’histoire de la « civilisation judéo-chrétienne » en deux temps. 1. « le temps de la vigueur » (des origines du christianisme à la Renaissance) et 2) « le temps de l’épuisement » (qui débute il y a cinq siècles et se termine sous nos yeux).

Comme à son habitude, M. Onfray ne fait pas dans la dentelle. Nietszche voulait penser « à coup de marteau », son élève avance au bulldozer. Dès le premièr chapitre, il affirme, contre l’écrasante majorité des spécialistes que le personnage Jésus n’a jamais existé. Tout aurait été inventé de toute pièce par l’apôtre Paul (1). Au passage, M. Onfray nous livre un scoop de son cru: Saint Paul était impuissant (2) et cette infirmité est la raison pour laquelle la circoncision a été épargné aux continuer la lecture


Pourquoi le choc des civilisations n’a pas eu (et n’aura pas) lieu

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Le 15 février 2017 par Jean-François Dortier

Le dernier et copieux numéro de Sciences Humaines vient de paraître. Au menu: la mondialisation en question.  J’ai rédigé l’éditorial que voici.

 « La thèse du « choc des civilisations » a été avancée par Samuel Huntington dans un livre éponyme paru en 1996, qui fit beaucoup de bruit. Le professeur de Harvard y proposait un nouveau paradigme pour penser le monde contemporain : les relations internationales y étaient pensées, non en fonction des intérêts des États ou des blocs idéologiques, mais à partir de grands bassins de civilisations fondés sur une unité culturelle et religieuse.

S. Huntington distinguait ainsi huit grands blocs : la civilisation occidentale (à dominante chrétienne), la civilisation islamique, la civilisation indienne (hindouiste), les civilisations chinoise et japonaise (formant deux traditions continuer la lecture


Malek Chebel, le musulman lumineux

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Le 17 novembre 2016 par Jean-François Dortier

malek_chebel-6Malek Chebel est mort. Et ça m’attriste. J’ai rencontré Malek pour la première fois, en 2002 pour un entretien paru dans Sciences Humaines. Par la suite, je l’avais fait venir à Auxerre pour donner une conférence et nos routes s’étaient croisées plusieurs fois depuis.

Malek Chebel proposait une autre visage de l’Islam. Toute son œuvre (abondonante) est consacrée à faire revivre ce qu’il appelait « l’Islam des lumières », un Islam tolérant, ouvert et même libertin qui a existé (et pas uniquement au temps de « l’âge d’or » de l’islam). Ce visage tolérant de l’Islam, Malek le portait sur son visage : son regard lumineux et son sourire bienveillant.

Relire l’entretien dans Sciences Humaines :  « Amour, désir et sexualité en islam » 


Rappel : « L’age d’or de l’Islam » est associée à la période de l’empire abbasside (750-1298). a l’époque, le mécénat culturel des califes et vizirs favorise l’essor culturel. Après une période de traduction s’appuyant sur la riche tradition culturelle des pays conquis (Egypte, Mésopotamie, Inde…) ou voisins (Grèce, Chine…), la philosophie, les arts et la science de langue arabe connaissent une période florissante. La Maison de la sagesse est fondée à Bagdad au début du ixe siècle. Les poètes modernistes et libertins chantent l’amour, la beauté et les plaisirs de la chair. parmi les grands savants de l’époque figurent al-Khuwarizmi (v. 790-v. 840), inventeur de l’algèbre, le médecin al-Razi, Rhazès en Occident, (v. 860-v. 923), le philosophe al-Farabi (872-950), les philosophes et médecins Avicenne (980-1037) et Averroès (1126-1198).

 


Pourquoi les idéologies ne mourront jamais

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Le 12 octobre 2016 par Jean-François Dortier

dead_by_ideology_by_vhenomenonD’où vient cette tendance de la politique à transformer les idées en idéologies ? Pourquoi est-il besoin d’agiter des étendards, de s’enflammer, de chercher des coupables et de susciter des espoirs (souvent déçus) ? La réponse à cette question nécessite un détour par l’histoire, pour voir comment naissent, se déploient, meurent et renaissent toujours les idéologies.

 

Quel est le point commun entre le socialisme, le libéralisme, le fascisme, le communisme, l’écologisme, le nationalisme ou l’anarchisme ? La réponse tient en quatre petites lettres : « isme », placé à la fin de chaque mot. Ce suffixe suffit à pointer du doigt le phénomène idéologique. Des « isme », il en existe aussi en peinture (impressionnisme), en littérature (naturalisme) et même en sciences (darwinisme, freudisme). C’est l’indicateur d’une vision du monde associée à un mouvement qui le soutient. L’idéologie est donc plus qu’une idée, un projet ou un idéal : c’est aussi un mouvement, un combat, souvent mené contre d’autres « isme ». Et en tant que mouvement de pensée et d’action, l’idéologie a tous les attributs d’une religion – autre grande productrice « d’isme » – avec laquelle elle continuer la lecture