Lynn Margulis et l’évolution des êtres complexes
0Le 5 juin 2013 par Jean-François Dortier
Lynn Margulis (1938-2011) fut incontestablement un de ces « savants qui ont eu qui a eu raison trop tôt » (même si elle a été oublié du livre de L. Lemire (voir billet précédent). Lorsque la jeune chercheuse a présente son hypothèse « endosymbiotique » sur l’évolution des êtres complexes, elle prenait le contrepied de la communauté scientifique. Il faudra quatre décennies avant qu’on considère que son hypothèse est crédible, et qu’elle ouvre la voie à une nouvelle conception de l’évolution. Son idée centrale : l’évolution peut prendre parfois un tour inattendu : la « symbiose » ou fusion des organismes. C’est ainsi que seraient nées les cellules complexes, les végétaux et les animaux qui portent tous en eux, les traces de cette fusion originelle.
Un refus initial
En 1967 la jeune chercheuse, qui a alors de 29 ans et travaille à l’université de Boston soumet un article sur l’origine des cellules eucaryotes (cellules à noyau). Son article sera refusé par une quinzaine de revues scientifiques. Lynn Margulis, y suggère une hypothèse totale iconoclaste pour l’époque : les cellules complexes, dotées d’un noyau et de mitochondries seraient nées d’une fusion/absorption de cellules plus simples. Des cellules auraient absorbés des bactéries et les aurait intégré dans leur organisme. Un argument en faveur de cette thèse est que les mitochondries (des micro-organismes présent dans les cellules végétales ou animales possèdent leur propre ADN, (appelé ADN mitochondrial). En clair : un organisme complexe serait né de la symbiose d’autres cellules.
Cette théorie « symbiotique » va alors à l’encore de tout ce que l’on croit connaître sur l’évolution. Selon la théorie darwinienne dominante, l’origine des espèces provient de la différenciation d’un organisme antérieur, pas de leur fusion entre organismes étrangers ! Lynn Margulis, elle, affirme que vie n’est pas seulement le produit d’une guerre de tous contre tous : elle se serait développée par une association si étroite entre espèces qu’elle aurait aboutit à leur fusion en un organisme unique !
Malgré les obstacles, la jeune femme n’est pas du genre a se laisser pas démonter. Dans les années qui suivent, elle peaufine sa théorie, rédige un livre et finalement trouve un éditeur. En 1970 paraît The Origin of Eukaryotic Cells. [3] Mais on livre restera longtemps ignoré des autorités scientifiques.
La théorie symbiotique de l’évolution
Dans les années qui suivent L Margulis, va étendre son hypothèse à l’origine de la vie. C’est à cette époque qu’elle commence aussi la collaboration avec James Lovelock, le père de l’hypothèse Gaïa.
Au fil du temps, sa théorie symbiotique, limitée à l’absorption des mitochondries par les cellules devient une hypothèse plus générale sur les mécanismes de l’évolution, théorie dite « endo-symbiotique », qui considèrent que des organismes peuvent fusionner pour donner naissance à des organismes complexes. Les années passant, cette théorie trouve d’autres applications :
– La naissance des végétaux semble être l’intégration dans une cellule complexe de plastes (chloroplastes, chromopaste) qui sont des anciennes bactéries indépendantes qui ont été absorbé pour donner des plantes. Comme les mitochondries, les plastes ont leur propre ADN, distincte de la cellule qui l’éberge. Leur fonction est loin d’être mineure : le chloroplaste est responsable de la photosynthèse. Le chromoplastes donnent leur couleur vertes aux arbres et aux herbes. Regardez autour de vous, le rouge des cerises, le jaune des bananes, la couleur des roses, des marguerites ou des coquelicots, c’est aussi à ces ex-bactéries capturées dans chaque cellule que les fleurs et les fruits doivent leurs couleurs.
– Un autre exemple spectaculaire d’endosymbiose est celui des animaux bioluminescents, comme certaines méduses ou poissons des abysses. La bioluminescence provient de bactéries symbiotiques captées au sein de l’animal.
La revanche de Lynn Margulis
L’idée de l’endo-symbiose a fait peu à peu son chemin. Au début de années 2000, trente ans après la parution de son premier livre, les phénomènes d’association et de symbiose entre organismes se généralisent au point d’être devenus un nouveau schéma explicatif de l’évolution. Et Lynn Margulis aura connu une reconnaissance très tardive, presque trop tardive. Elle est décédée en novembre 2011.
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