L’étonnant monsieur Chapouthier et sa théorie de la mosaïque (1)

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Le 25 novembre 2010 par Jean-François Dortier

Où l’on rencontre un biologiste et philosophe, amateur d‘histoire drôles, qui nous révèle quelques secrets sur la fabrication du vivant.

J’ai rencontré Georges Chapouthier il y a quelques années (en 2004 je crois), lors d’une émission de radio où nous étions tous les deux invités pour parler des animaux et des humains. Lui venait de sortir son petit livre Qu’est ce que l’animal ? Et moi L’Homme cet étrange animal.

A la fin de l’émission, nous avons quitté ensemble du studio de la maison de la radio. A peine arrivé dans l’ascenseur, il m’a demandé « Vous connaissez la blague du moine chrétien et du moine bouddhiste ? »

–        Non.

Et le voilà parti dans une histoire (très drôle) où il est question de deux moines mystiques qui débattent de l’au-delà : Paradis ou réincarnation ? … L’histoire se termine après la mort de l’un d’entre eux. Il se retrouve alors dans un endroit étrange où l’on passe ses journées les uns contre les autres à boire, manger, faire l’amour,… puis recommencer. Le paradis ? Non : la réincarnation dans un clapier…

L’histoire terminée, on était sortie de la Maison de la radio et on se dirigeait tous les deux en direction du RER. Aussitôt, G. Chapouthier enclenche sur une autre histoire. « Et vous connaissez celle du charcutier à la jambe de bois ? ». Et durant tout le trajet, il a raconté trois ou quatre blagues, toute très bien ficelées. Arrivé à la station Saint Michel, il était temps pour lui de descendre, mais son histoire en cours n’était pas terminée. Il a donc du sortir de la rame précipitamment, et avant que les portes ne se referme, m’a lancé en levant le bras « Bon, je finirai une autre fois, Allez au revoir ».

Quel drôle de personnage ! En général, les scientifiques me parlent de leurs recherches, où se lamentent sur les problèmes de postes, de budgets et de politique scientifique ; les moins égocentrés me posent des questions sur Sciences Humaines. Et voilà un éminent chercheur, de classe A (directeur de recherche), bardé de titres et diplômes, auteur de nombreuses livres et publications sur des sujets fondamentaux (la biologie de la mémoire, la construction du vivant), habillé en costume-cravate (je me demande même qu’il n’avait un nœud papillon), lunette à grosse monture…  qui semble avide de réciter le maximum de bonnes blagues en un minimum de temps à un inconnu qu’il rencontre pour la première fois. J’ai du penser alors : «  ce type est sympathique, original, farfelu même. Mais il est perdu pour la science ».

J’avais tort.

Episode n° 2. La mosaïque de la complexité.

Quelques semaines après cette rencontre, j’étais en train de relire des documents sur la théorie de la complexité, quand je suis tombé sur un article de ce même Georges Chapouthier paru en 2001 dans Pour la science consacré à « L’évolution de la complexité ». Et j’y ai trouvé une belle idée.

L’article commence par des considérations générales sur le problème de la complexité. D’où vient cette « montée en complexité » que l’on observe dans le monde vivant : des premières cellules simples aux cellules complexes à l’apparition d’êtres pluricellulaires, puis aux organismes dotés d’organes spécialisés, enfin aux organismes dotés  d’un cerveau, lui même de plus en plus complexe, etc. Ce problème de la complexité est bien connu, mais les mécanismes de cette complexification restent une grande énigme. Et c’est là que G. Chapouthier avance une idée originale : la  « théorie de la mosaïque ».

mosaique-aquarium

Dans une mosaïque, (comme celle ci dessus) l’image globale est formée de l’assemblage de petits éléments (des tesselles), dont chacun garde son unité. Vus de loin, les éléments assemblés forment des images (ou des organismes). Vu de près, le « tout disparaît » et les éléments constitutifs gardent une certaine unité.

Toutes les plantes ou les animaux complexes se présentent ainsi comme un assemblage de cellules. Ces cellules sont autant d’unités discrètes : des petites bulles de vie ayant leur vie propre. Chaque cellule est elle même un assemblage de petits micro-organismes : les mitochondries, noyau, l’appareil de golgi, etc.

Mais comment tout cela s’est-il constitué ?

G. Chapouthier propose un schéma en deux étapes fondamentales : 1. juxtaposition et 2. intégration.

1. Juxtapostion. La formation d’un être complexe passe d’abord par la juxtaposition d’éléments identiques. Prenons le cas des premiers organismes pluricellulaires apparus dans l’histoire de la vie. (A ce propos, en juillet dernier, une découverte majeure a été faite sur les origines de la vie).

Au départ, les premiers organismes se sont constitué par agrégation de cellules semblables en colonies.  (L’histoire est très bien racontée par Alexandre Meinesz, Comment la vie à commencé, éd. Belin). A ce stade, chaque cellule garde son entière autonomie et assure seule les grandes fonctions du vivant : respiration, alimentation, reproduction. Les premières assemblées de cellules sont comme des bans de sardine : chaque élément est identique à l’autre et il n’y pas d’échanges entre elles.

Le principe de juxtaposition ressemble à ceci :

Capture d’écran 2010-11-25 à 10.33.21

Puis vient l’étape numéro 2. Celle de la spécialisation/intégration. Les cellules se spécialisent : les unes dans la nourriture, la reproduction. Toutes deviennent dépendantes les unes des autres. Un organisme complexe est né.

La phase de spécialisation ressemble à cela :

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Puis, on passe de C à D et E

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Juxtaposition + intégration : voilà un schéma très général que l’on retrouve, selon Chapouthier, à plusieurs différents niveaux d’organisation du vivant. (Le sociologue pensera immédiatement à Durkheim et au passage des communautés simples aux sociétés complexes, de la solidarité mécanique à la solidarité organique). Mais revenons à nos animaux pluricellulaires. Les premiers animaux complexes ressemblaient à des vers et des éponges, avec très peu d’organes différenciés. Certains se sont transformés ensuite en animaux plus complexes dotés d’organes spécialisés : perception, locomotion, cerveau. Nous autre humains, faisons partie d’une grande lignée : celle des vertébrés tétrapodes qui rassemblent tous les animaux avec des membres : nos parents sont les autres mammifères (à quatre pattes), les oiseaux (2 pattes + deux ailes), et mêmes les poissons (dont les membres sont les quatre membres sont des nageoires. Tous les membres de cette grande famille ont quatre membres qui reposent sur une structure identique, (formés de trois segments).

membres

Le plan d’organisation de tous les membres de notre famille est construit à partir d’un même schéma: un membre a trois segments, membre qui est reproduit par paires (deux par deux) et à la chaine (2+ 2 = 4. Voilà encore le principe de juxtaposition. Chez les humains, les membres supérieurs se sont transformés de patte en bras. Chez les oiseaux les pattes avant (celle de leur ancêtres dinosaures) sont devenues des ailes, mais le schéma de base reste le même. Tous les animaux dotés de pattes sont bâtis sur le même plan d’organisation.

Chez les invertébrés, le schéma fonctionne sur le même principe : les pattes articulées sont apparues au cours l’évolution puis se sont démultipliée. La fabrique de l’évolution repose d’abord sur une simple juxtaposition d’éléments. Sont apparus d’abord les animaux à quatre pattes (tous les tétrapodes*), puis les animaux à six pattes (insectes), puis à huit pattes (arachnéens dont les araignées de mer et nos araignées terrestres), à 10 pattes (comme la plupart des crustacés), à  20 pattes (trilobites), puis à 50, 100 et au delà.

Les chenilles que l’on appellent « milles-pattes », forment en fait un groupe d’un millier d’espèces. Le record du nombre de pattes est détenu à ce jour par l’Illacme plenipes, un myriapode (nom scientifique des milles-pattes)  découvert en 2006 en Californie et sur lequel on a compté 752 paires de pattes. MAis je m’éloigne. Revenons à Chapouthier et la théorie de la mosaïque.

Voilà une grande leçon de la Création : Dieu (ou Mère Nature) a créé le monde en jouant au lego : il a commencé par rassembler des éléments identiques pour former des éléments complexes.

Puis est venu la phase n° 2 : la spécialisation.

Mais on voit ça demain?


7 commentaires »

  1. […] la petite histoire de la mosaïque du vivant. (billet du 2 novembre). La vie se construit par juxtaposition d’éléments identiques, puis par […]

  2. Anonyme dit :

    c nul a chhier

  3. Anonyme dit :

    non c’est pas vrai cest style

  4. Barral Cervoni dit :

    C’est exactement ce que je vis quand je me plonge dans un travail
    de création de mosaîque. Bien vu, félicitations

  5. Annie dit :

    Bien vu. C’est exactement ce que je vis quand je me plonge dans un travail de création de mosaîque. Félicitations.

  6. s. dit :

    tous cela pour nier l’existence d’un dieu, c’est l’instrumentalisation des sciences pour des fins idéologiques.

  7. Moreau Jean-Paul dit :

    Étonnant mais difficile à réfuter, cette théorie qui explique pourquoi nous sommes faits d’éléments assemblés et empilés : vertébres, côtes, os, phalanges, et même les mitochondries qui sont des anciennes bactéries incorporées dans nos cellules… Plus besoin d’un dieu pour expliquer la création, n’en déplaise aux dogmatiques répétiteurs de prophéties archaïques… juste pour leur faire plaisir, un bon dieu-maçon capable de rassembler des unités en organismes complexes en paix les uns avec les autres. Il ferait bien d’intervenir en Syrie celui-là!

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