« Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve »: est-ce vrai ?
12Le 15 mars 2013 par Jean-François Dortier
« Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve » la formule du poète Hölderlin est souvent utilisée par Edgar Morin pour montrer que les contradictions d’un système sécrètent les bases de leur propre dépassement. Ainsi les catastrophes entrainent des élans de solidarité, les crises économiques peuvent provoquer des réactions salutaires – des Etats, des citoyens – créant ainsi les bases d’une nouvelle société.
« Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve » : la formule correspond à une vision hégélienne du changement où toute action provoque sa réaction contraire. Ce n’est pas un hasard : Hölderlin était l’ami de Hegel. Tout deux vivaient dans la même chambre lorsqu’ils étaient étudiants à université de Tübingen (avec un troisième larron : Schelling).
« Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve » : Voilà une donc une belle idée dialectique. Quelques exemples historiques l’illustrent bien : les syndicats et mutuelles sont nés en réaction aux défauts du capitalisme, l’Etat keynésien est né pour réguler les désordre du marché.
Pour autant l’idée hégélienne devrait se souvenir du troisième temps de la dialectique (1) « la négation de la négation » : ce qu’on pourrait résumer ainsi : là où croît ce qui sauve, croît un nouveau danger…
Quelques exemples contemporains :
– Les Etats sont intervenus pour sauver les banques et injecter des milliards pour relancer la machine économique. Cet intervention massive a évité l’effondrement des banques et soutenu l’activité dans un premier temps, mais cette intervention a provoqué un creusement historique des déficits publics provoquant une seconde onde de choc : la crise des dettes qui menace aujourd’hui l’économie européenne. Cette deuxième phase de la crise est le produit direct de la thérapie appliquée en 2009.
– Un autre exemple du même phénomène de « négation de la négation » : l’euro. Avant l’instauration de l’euro, les monnaies européennes connaissaient d’énormes fluctuations et des attaques répétées des spéculateurs. La monnaie européenne a été l’un des moyens de créer à la fois une zone de protection, un système de régulation visant la convergence et la stabilité. Mais non seulement l’euro n’a pas provoqué la convergence attendue (loin de là !) mais son existence provoque aujourd’hui des graves turbulences économiques. L’existence de l’euro interdit à la Grèce de dévaluer (le thérapie qui servait naguère pour épurer les comptes d’un pays en grosse difficulté). La Grèce est désormais « enchainées » aux économies européennes. Elle risque d’entrainer les autres économies dans leur chute. Plus généralement, les économies européennes sont toute enchaînée entre elle comme dans une cordée l’alpinisme : la cordée est faite pour protéger des chutes individuelles, mais si plusieurs décrochent, la cordée toute entière sera entrainée dans le vide. Ce qui devait sauver devient un danger mortel…
« Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve » disait le poète. Mais malheureusement « là où l’on croit ce qui sauve, croit un nouveau danger… ».
(1) qui ne comporte pas trois temps (thèse, synthèse, antithèse) comme on le croit, mais quatre. Mais c’est une autre histoire…
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Appliquée au domaine de la psychologie, la formule «Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve» laisse à désirer.
Les recherches sur la dépression, dont celles de Martin Seligman (cf. Helplessness, Freeman, 1975) demeurent exemplaires, montrent que, tant chez des animaux que chez l’être humain, il y a un optimum de périls, de frustrations et de souffrance pour bien évoluer.
Les enfants qui ont abondamment souffert dépriment facilement à l’âge adulte ; ceux qui ont vécu à l’abri de souffrances et de frustrations dépriment aussi facilement. On pourrait dire : «Là où il y a progressivement des périls maîtrisables, là croît la force de caractère».
Tout à fait d’accord avec l’analogie de Jacques Van R.Un enfant soumis à un ou à de graves dangers trouve parfois en lui-même les forces pour l’affronter. Puis le maitriser. mais qui peut dire le prix à payer? Alors? Cher JFD, il semble qu’en ces temps post-modernes certains mots reprennent tous leurs sens. Cessons de dire une chose et son contraire. Cessons de nous indigner, de rendre hommage à quelques figures morales puis de rentrer chez nous tout content. Des périls nous guettent qui, loin de nous rendre plus forts, nous affaiblissent tant que ceux qu’ils ne laissent pas sur le carreau ( des roms aux syriens en passant par les tunisiens, lybiens et autres « révoltés » du printemps) n’ont plus rien à dire. Justement ne serait-il pas temps qu’un organe de presse un peu notoire, loin des idées convenues de St Germain des Prés ( c’est facile, mais je sais que je suis pardonné, et puis Auxerre c’est pas Paris) ose. Oser? Mais quoi? Parler de la seule chose qui peut aussi nous conduire au-delà d’indignation bien-pensante. Et c’est quoi donc? Réponse à ceux qui voudront m’interroger. Salut.
Sur la dialectique, voilà ce que je lis dans le volume 2 de l’Histoire de France de Belin, « Féodalités – 888-1180 », de Florian Mazel, p. 335 : « La principale innovation réside dans l’adoption de la dialectique comme outil privilégié de l’argumentation, que celle-ci prenne la forme orale de la dispute ou la forme écrite de la question. Concrètement, il s’agit, après l’éno,ncé d’un problème, d’avancer un argument pour, puis un argument contre, enfin de proposer une synthèse. » A ses débuts au moins (XIIe s.), la dialectique semblait donc comporter 3 temps…
» Oser? Mais quoi? […] Réponse à ceux qui voudront m’interroger. » Puis-je vous « interroger », Cher @Didier M. ?
Oser être simple.A bas la dialectique, cette idée que tout peut être synthétiser ( ah le vilain mot que voila, synthétiser!). Cessons de faire du yaourt sans le savoir ( d’où ma critique de « indignez-vous »). On est là pour imaginer, pour rêver, pour se laisser simplement porter par l’invisible, par du plus grand que nous aussi. Donc oser.Oser c’est d’abord s’abandonner pour mieux voir ce qu’il y a de meilleur en nous et autour de nous. Un peu, beaucoup…peu importe. Je fais le pari que rien n’est complétement mauvais. Mais il faut être courageux, mettre les mains dans le cambouis. Oser développer une force non pas de la volonté, mais de l’Esprit. Oser le silence, le regard vers l’autre puis se laisser porter par l’esprit. Comme le peintre qui trace sur une toile des lignes, pose des couleurs qu’il n’avait pas imaginé et qui s’imposent comme un chemin inéspéré vers la joie.J’imagine les grands picasso, Giacometti, Matisse. Ou le compositeur qui révèle la musique et nous emporte. Oser l’espoir sans aucune exclusive. Sans étiquette: Dieu, Bouddha, bienveillance, compassion, charité, miracle, grâces…oser dire bonjour au Sdf qui est assis là, juste bonjour. Oser! Tout le contraire de monsieur jean marc roberts qui vient d’éditer le livre de marcelle iacub et qui déclare: » La compassion m’a toujours inspiré un vilain sentiment. » Ne pas s’étonner qu’il publie un livre barbare. Et bien moi j’ose la compassion pour n’ n’être ni un barbare, ni un mort-vivant. Alors prêt pour oser?
Postulat 1 : « Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve »
Postulat 2 : « Là où croît ce qui sauve, croît un nouveau danger »
Avec un tel paradoxe, s’agirait-il de décourager les lecteurs de ce blog ? ou bien d’éprouver leur capacité à lutter sur une longue durée ? c’est à dire jusqu’à ce que de sauvetages en dangers, peu à peu, les données changent, les consciences évoluent dans le sens du « bien commun » ou vers une l’illumination citoyenne faite d’humanité reconquise et réorientée ?
Donc dans cette jonglerie de l’esprit, très académique (thèse / antithèse ou dialectique marxiste), lire ces deux postulats également au niveau des individus plongés dans leurs lieux de vie et leurs actions personnelles <> (Je n’aborderai pas <> car les illustrations déjà données pour la collectivité sont dans ce cas les mêmes pour l’individu, penseurs, syndicats et partis ayant leur mentor ou leur leader).
Au niveau de l’individu qui sauve et qui, en sauvant, éveille d’autres dangers, nous pouvons classer en marge des systèmes établis, les pionniers qui dérangent l’ordre établi, les chercheurs qui découvrent et provoquent la fin d’entreprises qui du coup tombent en désuétude, le rebut de stratégies, de productions et de concepts rendus moins pertinents ou moins performants. De quoi inquiéter les prédécesseurs, effectivement, et dont la peur engendre une haine qui les pousse à l’intrigue ou au complot.
La solution de « dévaluer (la thérapie qui servait naguère pour épurer les comptes d’un pays en grosse difficulté) » a parfois restitué les points accordés par les règles de l’UE mais a aussi montré son horreur parmi les peuples du monde. Donc une économie qui méprise tant les vies humaines repose la question de la croissance autrement.
Aussi, les fameux « trois temps (thèse : péril / synthèse : sauvetage / antithèse : danger) », sont un déroulement de la pensée qui rompt avec la tradition académique (thèse : causes du péril – type d’économie (décrire) / antithèse : conséquences nationales, européennes et mondiales / synthèse – quelle autre économie possible ? ou sauvetage, ou dépassement de l’antithèse et de la thèse). Les fameux « trois temps (thèse : péril / synthèse : sauvetage / antithèse : danger) » sont le déroulement cyclique d’une espèce de fatalité ou impuissance des hommes à intervenir contre leur destin ; pensée très (?) ou trop (?) grecque…
Or, si « le poète Hölderlin, ami de Hegel, est souvent utilisée par Edgar Morin pour montrer que les contradictions d’un système sécrètent les bases de leur propre dépassement », je ne crois donc pas que cela signifie l’inutilité du sauvetage mais signifie sa relative victoire, ce qui n’est pas du tout fataliste, car la porte reste ouverte à l’intelligence humaine.
D’où le Postulat 3 : « Là où l’on croit ce qui sauve »
Cette phrase manque de sens à mes yeux : le jeu de mots « croire / croître)» ne semble pas parfait/ Vouliez-vous dire « où l’on croit à ce qui sauve ? » N’est – ce pas justement sur « croître » que les deux postulats sont valables ? puisqu’il s’agit de se rendre compte que le modèle occidental de « croissance économique » trouve ses limites et doit changer, ce qui est le point trois ou la véritable antithèse que vous annonciez. Reste à imaginer le point 4 qui est LE projet d’avenir – à venir, donc bien évidemment la nouvelle thèse pour tirer l’ensemble du monde hors de ce cycle meurtrier des « bricolages » internes au système occidental qu’on n’ose même plus appeler « capitalisme sauvage » tant il a séduit avec son exponentielle production inégalement accessible ou partagée. C’est-à-dire que le point 4 ne peut pas être trouvé dans le système occidental existant… à suivre… Philosophie de l’action et de la connaissance : acteurs et penseurs d’une autre économie…
Heidegger cite aussi ce vers de Holderlin dans son texte sur La question de la technique, hors de toute interprétation dialectique. Il semble prévoir un retournement de paradigme global, en langage de Kuhn, un Ereignis dans le sien. L’internet en ferait partie, de ce qui ‘sauve’, de ce qui ouvre de nouvelles possibilités?
Sur le problème du cerveau, hors sciences cognitivistes, hors séparation corps et cerveau d’un côté et monde ambiant de l’autre, le motif heideggerien être au monde permet de penser que le cerveau est graphé (Changeux) par l’apprentissage des usages de notre tribu, de façon à ce que nous en soyons un membre à part entière, avec notre style particulier. Le cerveau est un organe biologique et social.
Bonnes choses
là où certain croit (que croît) ce qui sauve, indique que ce qui croît (et ce qu’ils croient) est réellement un danger.
Le péril est présent partout ,et le sera toujours.Le plus important est d’y faire face,à chaque fois qu’il apparaît.
Un très bon article pour comprendre la citation ,et en même temps décourageant à mon avis.
Parfois il ne faut pas penser en profondeur et agir uniquement sur le court terme ( agir intelligemment ) .
« Là où croit ce qui sauve croit aussi le danger »…sauf si ce qui sauve est le dernier maillon de la chaîne du salut. Or Heidegger, sauveur de la Germanie par l’expulsion et par le feu (l’extermination) se considérait comme le dernier dieu. Après lui il n’y aurait plus de négation. La négation du christianisme éradiqué jusqu’aux racines, dans son esprit, était le véritable salut. La psychose criminogène arrête l’histoire au moment qui l’intéresse. Oui, mais le lieu de son déploiement idéal est seulement l’espace de la paraphrénie. Son déploiement réel, en revanche, est une coulée pyroclastique historique. Car c’est là dans l’histoire réelle et non dans l’histoire paraphrénique, que la nouvelle négation intervient. Ainsi la négation de la négation générée par Heidegger entraîna-t-elle la négation du nazisme (la politique libératrice de Heidegger), politique qui se voulait libératrice non seulement pour la Germanie mais pour la planète entière. La reddition sans condition du Troisième Reich fut la négation de sa négation. Dans son cas, vous avez eu parfaitement raison de vouloir continuer la vis sans fin de la négation de la négation. Car son eschatologie était usurpatrice. Mais quand viendra le véritable accomplissement de l’Apocalypse de Jean, la négation du mal (authentique négation de la négation) sera la véritable négation de la négation, c’est-à-dire l’ultime. Le national socialisme fondé par Heidegger pour sauver la planète en tant que dernière figure de la Phénoménologie de l’Esprit, ne fut qu’une ignoble imposture, l’usurpation d’un titre de dieu immérité. la pratique de l’Apocalypse en toute illégalité. Le dernier dieu ne serait pas Heidegger contrairement à ce que croyait l’auteur des Beiträge zur Philosophie mais plutôt le Christ à son heure.
Michel, 17.03.2019.
Chaque fois que je lis cette citation d’Hoderlin, je ne peux m’empêcher de penser que les colporteurs du texte n’ont soit aucune culture biblique, soit qu’ils sont de bon gros plagiaires assumés : c’est vrai que ça ferait moche de citer la Bible, ou parler de péché, on préfère être en bonne compagnie avec les copains romantiques allemands…
« là où le péché abonde, la grâce surabonde », l’apôtre Paul dans sa lettre au Romains chapitre 5, verset 20.
Bonjour,
Quel est pour vous le quatrième temps ?
Cordialement