L’instituteur était-il mythomane ?

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Le 15 décembre 2015 par Jean-François Dortier

L’instituteur d’Aubervilliers qui prétendait avoir été attaqué à l’arme blanche par un méchant djihadiste avait en fait tout inventé.

Comment cela est possible ? Qu’est ce qui se passe dans la tête du mythomane ? Qu’est ce qui pousse un adulte à de tels extrêmes : se mutiler, puis inventer un scénario aussi énorme et risqué qui va faire basculer sa vie, au risque d’être démasquer et finir, comme c’est la cas ici: à se couvrir de honte en plus de la condamnation pénale qui l’attend ?
Les histoire de mythomanes reviennent réapparaissent régulièrement dans l’actualité. En juillet 2004, Marie L. une jeune femme a porté plainte auprès de la police en déclarant avoir été agressé avec son bébé dans le RER D. par un groupe de jeunes gens qui l’aurait par ailleurs traité de « sale juive ». Mais l’enquête allait révéler que la jeune femme avait mentie et s’était même auto-mutilée pour donner des preuves de son agression.

 

Qu’est ce que la mythmanie ?

La mythomanie se distingue du mensonge. On ment en générale dans des circonstances précises pour se protéger (le mari qui trompe sa femme, l’étudiant qui ment à son professeur pour expliquer un retard.). Plus rarement pour ce vanter (les exagération du pécheur…) Le mythomane est un menteur pathologique qui élabore un récit imaginaire sophistiqué dans lequel il joue le beau rôle ou cherche à se faire plaindre. Selon la psychologue Cheryl Birch, la mythomanie ou «  mensonge pathologique » est motivé par le désir profond de stimuler son estime de soi, en se présentant comme un héro ou une victime. Certains mythomanes ont, par ailleurs un pouvoir de suggestion étonnant sur leur entourage.

Le mythomane croît-il a ses mensonges ? Pas au sens où il serait un délirant: les schizophrènes croient à leur délire. La mythomane n’est pas non plus  victime d’hallucinations ou de faux souvenirs*. Cela dit : à force de raconter son récit, il finit parfois à se prendre au jeu.

La mythomanie correspond à un profil de personnalité pathologique. Le terme de mythomanie a été crée par Ernest Dupré en 1905 et repris dans son livre sur les Pathologies de l’imagination et de l’émotivité (1925).[1] Le terme n’apparaît pas dans le DSM V.(Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux). Les psychologues lui préfèrent désormais le terme de « mensonge pathologique». Dans une étude sur le sujet, datant de 2006 .[2] , les auteurs décrivent le cas, de Lorraine, une jeune américaine de 22 ans hospitalisée dans une unité psychiatrique. Tout a commencé lorsqu’elle est allée se plaindre à la police qu’un de ses collègues lui avait envoyé des menaces de mort par la poste. Puis, un an plus tard, elle se plaint de nouveau à la police que sa meilleure ami Abby la s’était entichée d’elle et lui faisait des avances dans le but de nouer une relation lesbienne.

Un an plus tard, Lorraine se plaignit de recevoir des menaces de mort de la femme de son ex-fiancée. En fait les enquêtes montrèrent qu’il n’y avait eu ni menace de mort, ni harcèlement sexuel, et que Lorraine avait tout inventé.

Une des formes de la mythomanie consiste justement à se présenter en victime afin d’attirer le regard sur soi : c’est une des pathologie du désir de reconnaissance qu’en psychiatrie, on nomme le « syndrome de Müchausen ».

Pendant 6 ans, Tiana Head, a dirigé une association des survivants des attentats du 11 septembre. Interviewée par de nombreuses journalistes, elle était devenue l’une des portes paroles des victimes des attentats et avait maintes fois raconté son poignante récit. Elle aurait travaillé dans une filiale de la banque Merryll Lynch, située au 96e étage d’une des tours jumelles ; elle avait été arraché des flammes par un pompier, mort un peu plus tard. Son fiancé aussi avait disparu dans l’attentat. Depuis six ans, elle s’activait à la tête d’une association de victimes, animait des visites guidées à Ground Zero.

Puis en septembre 2007, à l’occasion du sixième anniversaire des attentats, un journaliste du New York Times a eu des doutes. Très vite, il s’est aperçu qu’elle n’avait jamais travaillé pour Merryll Lynch, qu’aucun des amis des son supposé compagnon disparu ne l’avait jamais rencontré, qu’elle n’avait pas étudié dans les Universités prestigieuse de Stanford et de Harvard comme elle le prétendait. Pas plus qu’elle n’était allé fin 2004, en Thaïlande pour aider les victimes du tsunami, ou en 2005 auprès de ceux de l’ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans. Tout cela était faux. De la pure mythomanie…

[1] Disponible en ligne : http://web2.bium.univ-paris5.fr/livanc/?cote=152699&do=chapitre

[2] Birch, C.D., Kelln, B.R.C. & Aquino, E.P.B. (2006). A review and case report of pseudologia fantastica. The Journal of Forensic Psychiatry and Psychology, 17, 299-320. http://tinyurl.com/m7j2s


1 commentaire »

  1. Pierre dit :

    Malheureusement, les victimes de ces personnes voient souvent leur vie brisées, aucun des journalistes qui ont couvert ces cas ne font leur devoir de corriger … avec autant d’assiduité … les dommages qu’ils ont fait. Triste société exclue d’imputabilité morale.

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