Grèves des retraites : il est temps de mettre ses « couilles sur la table »
0Le 19 octobre 2010 par Jean-François Dortier
La grève contre la réforme des retraites est entrée dans un nouvelle phase : celle des couilles sur la table.
D’un côté, les Routiers et les ouvriers des raffineries sont entrés dans la danse. C’est viril; c’est du lourd. Les gros camions vont bloquer les routes. Les ouvriers des raffineries veulent en découdre. Charles Foulard, coordonnateur CGT du groupe Total, l’affirme haut et fort : « Il y a un durcissement ». « On est parti et on ne s’arrêtera pas. On n’a pas arrêté 12 raffineries pour faire un baroud d’honneur jusqu’à la journée du 19. On va continuer jusqu’à ce que le gouvernement retire son projet de loi. » (…) On ira jusqu’au bout. »
Si l’on en croit les camarades syndicalistes, c’est donc parti pour durer. Ces types ne sont pas prêts à reculer. Ils sont décidés à en découdre.
De son côté Sarkozy est prêt à faire front. Il l’a rappelé hier avec « fermeté »
Arrivé à ce stade du conflit, la question du financement des retraites est passée au second plan. On entre dans une phase caractéristique du conflit : le « bras de fer », « l’épreuve de force ». La phase « dure » de l’affrontement où la question n’est plus de savoir qui a raison ou tort, combien ça va coûter, est ce que c’est légitime ou non ? L’heure est maintenant de savoir : qui va céder ? qui va l’emporter ? Dis plus crûment : qui va devoir « baisser la culotte « ? C’est la phase – animale, émotionnelle, archaïque – du conflit.
Ce moment de la confrontation, du face à face et des « couilles sur la table », se révèle dans les propos des protagonistes.
Dominique de Villepin a, l’autre jour, levé une part du voile sur la psychologie du dirigeant face à la crise. Il a invité le gouvernement à faire preuve de réalisme et de ne pas s’enfermer dans le mythe du « capitaine courage ». « Je crois que Nicolas Sarkozy est quelqu’un qui aime la crise, qui aime donc la gestion de crise (…) Il y a un mythe à droite sur la capacité à faire face à la rue. C’est ce que j’ai appelé le mythe du capitaine Courage de la réforme. »
Villepin témoigne qu’en 2005, il a lui même commis cette erreur, lors des conflits du CPE.
A l’époque et en privé, il disait cela dans un langage moins châtier. Auprès de ses copains de la majorité, il déclarait à propos du CPE : « Je ne ferais pas comme Balladur avec le CIP. Moi, j’ai des couilles et j’irai jusqu’au bout! « . [1]
Dans cette phase caractéristique des conflits sociaux, les enjeux basculent. La réforme de la retraite devient une question annexe. Les motivations se sont déplacées sur un autre terrain. Les intérêts de chacun (le calcul des coûts et avantages), passent au second plan, les émotions sociales prennent le devant ; il s’agit maintenant d’honneur ou d’humiliation, de garder la face ou la perdre, « d’avoir des couilles » ou pas.
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[1] Canard Enchainé Sur les couilles de Villepin, qui, en privé, ne cesse de les étaler, (rhétoriquement parlant), on peut lire avec profit : Les mots sont importants, de Tevanian et Tissot, 2010), notamment le chapitre sept (« grosses bites »), partie 4 (« les couilles de Villepin »). Dans La tragédie du président, (2006), François-Olivier Giesbert révélait l’usage immodéré de la métaphore sexuelle par Dominique de Villepin. (A propos de la France : « « Elle a envie qu’on la prenne. Ça lui démange dans le bassin »)
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