Le problème du Castor (1)

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Le 27 octobre 2010 par Jean-François Dortier

Castor01Je commence toujours mes matinées par quelques pages de lecture, une sorte d’échauffement intellectuel, avant de me mettre au travail. Ce matin, j’attaque Le Castor américain et ses ouvrages,  de Lewis H. Morgan.

L.H. Morgan (1818-1881) est le fondateur de l’anthropologie américaine. C’est un type très sympathique et donc l’œuvre est beaucoup plus riche et pénétrante que quelques formules qu’en retiennent les manuels d’anthropologie (l’évolution de l’humanité en trois stades : de la sauvagerie à la barbarie et de la barbarie à civilisation). Sa vie est celle des pionniers de l’anthropologie, à l’époque où il n’existait pas encore d’institutions scientifique en sciences humaines. C’était un avocat et homme d’affaire, qui a investi dans la construction d’une ligne de chemin de fer entre New York et le lac Michigan. C’est ainsi qu’il est entré en contact avec les Iroquois, s’est  passionné la vie de ces Indiens, (il a décrit leur système de parenté qui a servi de base pour le premier grand ouvrage d’anthropologie de la parenté).

J’apprend avec curiosité que ce brave  L.H. Morgan a aussi écrit une monographie… sur les castors, qui vient d’être rééditée par les Presses du réel. Hier, nous avons reçu à SH ce livre en service de presse. Grâce à lui, je vais peut être trouver des éléments de réponse à ce que j’appelle « le problème du Castor ».

Le castor constitue un redoutable défi à ma théorie de la « machine à idée ». Dans mon livre L’Homme, c’est étrange animal, j’essaie de démontrer que  le « propre de l’homme » (ses capacités cognitives si singulières) réside dans sa capacité à produire et manipuler des images mentales qui lui servent à s’extraire de son environnement et lui permette de « voyager en pensée » et créer des mondes virtuels. Cette capacité serait selon moi (et selon Peter Gardensfors qui est parvenu parallèlement même conclusions) la source commune du langage, de l’art, des techniques et des cultures symboliques (dont la religion ou les lois humaines).

L’aptitude humaine à se projeter mentalement dans des « mondes possibles » nous rend apte également à anticiper. Nous autres humains, nous vivons toujours un pied dans le présent et un pied dans le futur. Une grande partie de nos actions ne sont sont dirigés en fonction de buts à moyen ou long terme. Nous autres humains avons inventé l’avenir.

Mais on peut opposer à cette théorie une solide objection. Nombre d’animaux semblent avoir des comportements orientés vers le futur. Les oiseaux construisent des nids, les écureuils font des réserves de nourriture pour l’hiver. Et les castors mettent des semaines et des mois à construire d’imposants barrages dont ils n’auront l’usage qu’une fois leur édifice terminé.

Bien sûr, on peut lever facilement l’objection : les animaux construiraient leur ouvrages par « instinct » alors que les hommes agissent en ayant un but en tête. Marx oppose ainsi l’abeille et l’architecte. Les abeilles construisent leur alvéoles de cire en suivant un instinct figé; l’architecte construit un maison en d’abord des plans dans sa tête. D’un côté, un programme instinctif invariable et de l’autre, des humains mus par des idées. Le fait que les animaux bâtisseurs (des fourmis aux oiseaux) ne soit capables de construire qu’un seul type d’habitat montre la rigidité de leur conduite, et suppose donc qu’il s’agisse d’une activité instinctive. Je me souviens avoir lu quelque part (mais je ne sais lus où ) que si vous élever un castor en captivité dans votre baignoire (quelle drôle d’idée !) à couper et l’empiler le bois qu’on met à sa portée. Ce qui tendrait donc à montrer que la construction d’un barrage est instinctif. J’ai gardé l’anecdote en mémoire et elle m’est bien utile dans les conférence pour lever les objections et apporter de l’eau au moulin  de ma théorie.

Mais suis-je-ce aussi sûr de mon coup ? Honnêtement, je dois dire que je n’ai jamais vraiment allé beaucoup plus loin dans l’exploration des activités bâtisseuses des animaux. Concernant les rapports entre instincts et intelligence, je m’en tient pour l’instinct à la position de Darwin. Sa position est subtile et est loin de se résumer à l’opposition sommaire intelligence/instinct. Dans La Descendance de l’homme, Darwin récuse l’opposition trop nette entre instincts et intelligence. Et je crois me souvenir qu’il prend justement le cas du castor pour souligner que chez lui, l’intelligence et l’instinct vont de concert. Son raisonnement est le suivant. L’animal est poussé par son instinct à construire des barrages, couper su bois, l’empiler… Mais il lui faut beaucoup d’intelligence de l’expérience pour améliorer sa technique. En gros, l’instinct fournis le « pattern », pousse à l’action et en donne le schéma global, l’intelligence est nécessaire pour perfectionner et moduler son activité. Ainsi donc l’instinct et l’intelligence vont de concert. Mieux : l’instinct et l’intelligence vont de concert. A la différence des visions habituelle qui laisse entendre que l’intelligence se substitue à l’instinct.

J’en suis donc resté là de mon raisonnement en me promettant toutefois de me plonger un jour un peu mieux dans cette histoire de castor.  Avec le livre de H.L. Morgan le moment est peut-être venu de creuser un peu plus « le problème du castor ».


2 commentaires »

  1. Virginie dit :

    Juste un petit truc…. ton castor, c’est une loutre!!!
    Un conseil, vérifie tes sources!
    Bonne journée!
    Virginie

  2. Charlotte dit :

    Malgré l’intérêt de la série d’article, je tique moi aussi devant cette photo de loutre…

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